Nous vous informions il y a quelques semaines de l’adoption par le parlement bruxellois, le 22 juin 2023, d’une ordonnance modifiant le Code bruxellois du logement et instaurant, notamment, un moratoire hivernal selon lequel aucune expulsion d’un logement ayant fait l’objet d’un bail d’habitation ou d’un bail commercial ne peut être exécutée du 1e novembre au 15 mars de l’année suivante à Bruxelles (article 233duodecies).
Par une décision du 15 décembre 2023, la Justice de Paix d’Ixelles a écarté l’application de l’article 233duodecies du Code bruxellois du logement dans une cause qui lui était soumise, sur pied du principe de la primauté du droit international.
Elle a d’abord rappelé les contours de ce principe en vertu duquel « Lorsqu’un conflit existe entre une norme de droit interne et une norme de droit international qui a des effets directs dans l’ordre juridique interne, la règle établie par le Traité doit prévaloir ». Le juge belge doit dans ce cas procéder à un contrôle par voie d’exception et écarter la norme inférieure qui n’est pas conforme aux normes supérieures ou lui donner une interprétation qui leur est conforme.
La Justice de Paix d’Ixelles a ensuite précisé, dans sa décision, que la Convention européenne des droits de l’homme et ses protocoles additionnels ont un effet direct en droit belge obligeant le juge ordinaire à écarter toute norme législative contraire.
Or, l’article 1e du Premier Protocole Additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme consacre le droit au respect des biens et, plus globalement, le droit de propriété. Et la section de législation du Conseil d’Etat a considéré, dans son avis sur le projet d’ordonnance insérant notamment l’article 233duodecies dans le Code Bruxellois du Logement, que l’interdiction des expulsions au cours de la période comprise entre le 1e novembre et le 15 mars de l’année suivante constituait une restriction excessive au droit au respect des biens du propriétaire-bailleur ainsi qu’à son droit d’accès au juge.
Compte tenu de cela, la Justice de Paix d’Ixelles a considéré que l’article 233duodecies du Code bruxellois du logement contrevenait à l’article 1e du Premier Protocole Additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme et qu’elle devait, par conséquent, en écarter l’application et autoriser l’expulsion du locataire pendant la période de moratoire hivernal.
Cette déclaration d’invalidité n’a qu’une portée relative : la norme n’est pas annulée, elle reste intégrée dans l’ordre juridique mais ses effets sont paralysés dans le cadre de cette cause précise.
Reste donc à voir si d’autres juridictions s’approprieront ce raisonnement …