Un arrêt récent de la Cour constitutionnelle (arrêt n° 141/2020 du 22 octobre 2020) vient de confirmer la validité de principe de la soumission des médiateurs agréés à une double déontologie lorsqu’ils sont, par ailleurs, membres d’un Ordre réglementé.
La Cour avait été saisie par le Conseil d’Etat d’une question préjudicielle relative à la réglementation notariale en ce qu’elle permettait que les médiateurs notariaux soient soumis à des règles de déontologie ou de ‘ bonne conduite ’ partiellement différentes de celles applicables aux autres médiateurs agréés.
Les notaires sont en effet tenus de respecter le Code de déontologie relatif à la médiation notariale, annexé à l’arrêté royal du 18 avril 2017, définissant les principes qui doivent servir de référence pour les médiateurs notariaux, tout en étant, en tant que médiateurs agréés, soumis aux règles issues du « Code de bonne conduite du médiateur agréé » faisant l’objet de la « décision » du 18 octobre 2007 de la Commission fédérale de médiation.
Selon la Cour,
« Dès lors que les notaires qui exercent des activités de médiateurs agréés cumulent deux activités soumises à des corps de règles distincts, il est justifié qu’ils soient soumis aux corps de règles applicables aux différentes fonctions qu’ils cumulent. Il est par conséquent justifié qu’ils soient soumis, d’une part, aux règles de déontologie établies par la Chambre nationale des notaires, en ce compris dans le cadre de la médiation, et, d’autre part, au Code de bonne conduite du médiateur agréé établi par la commission fédérale de médiation. »
Et la Cour de poursuivre :
« Ce cumul de règles n’est d’ailleurs pas susceptible de générer des contradictions pour leurs destinataires, dès lors que le Code de déontologie relatif à la médiation notariale constitue une lex specialis par rapport aux règles de bonne conduite applicables à la médiation en général. »
En en tirant pour conséquence que :
« Dans ce contexte, les règles déontologiques du notariat, applicables à l’activité spécifique de la médiation, peuvent compléter ou préciser les règles de bonne conduite applicables aux médiateurs agréés, mais ne pourraient toutefois pas diminuer les exigences contenues dans le Code de bonne conduite établi par la commission fédérale de la médiation ».
Si la Cour constitutionnelle, tenue par la question préjudicielle qui lui était posée, ne vise que les notaires, ceux-ci ne sont pas les seuls médiateurs agréés soumis à deux corps de règles déontologiques.
Les principes dégagés par la Cour sont susceptibles de s’appliquer à tout membre d’une profession réglementée qui viendrait à exercer, occasionnellement ou non, une activité de médiateur et serait agréé à ce titre. Au-delà des notaires, songeons essentiellement aux avocats médiateurs agréés.
Ainsi, c’est donc vis-à-vis de tous les médiateurs agréés qui exercent par ailleurs une profession réglementée qu’il est permis de dégager les quelques principes suivants :
1. Un principe de réglementation libre, par les Ordres, de l’exercice par leurs membres de l’activité de médiateur : les Ordres dont sont membres certains médiateurs agréés peuvent réglementer non pas la médiation comme telle (c’est là le rôle du législateur et de la Commission fédérale de médiation), mais l’exercice par leurs membres de l’activité de médiateur (tel est l’objet du Code de déontologie relatif à la médiation notariale spécifiquement visé par l’arrêt de la Cour constitutionnelle, mais également des articles 2.11 à 2.19 du Code de déontologie des avocats).
2. Un principe d’application cumulative de règles déontologiques : lorsqu’ils pratiquent la médiation, ces médiateurs sont soumis à une double déontologie, devant respecter cumulativement les règles déontologiques de leur profession réglementée (pour autant qu’elles soient susceptibles de s’appliquer à la médiation et qu’elles ne soient pas incompatibles au regard des règles de celle-ci) et celles qui s’appliquent à tout médiateur.
3. Un principe d’application de la règle la plus restrictive (ou, plus exactement, de la règle la plus exigeante) : ces règlements peuvent compléter ou préciser les règles de bonne conduite applicables aux médiateurs agréés concernés, sans toutefois en diminuer les exigences. Si tel était le cas, la règle la moins exigeante viendrait à s’effacer.