Un ouvrage peut être affecté de diverses malfaçons relevant de la responsabilité de l’entrepreneur et/ou de l’architecte. Selon la nature des vices affectant la construction, les conditions de l’exercice de l’action en justice du maître de l’ouvrage divergent.Si les vices sont apparents, ils doivent être dénoncés sans délai par le maître de l’ouvrage lors de la réception des travaux qui peut faire l’objet d’un procès-verbal mentionnant les malfaçons auxquelles l’entrepreneur devra remédier.
Cette réception peut également être tacite et intervenir notamment par la prise de possession des lieux par le maître de l’ouvrage. En pareille hypothèse, s’il veut éviter d’agréer l’ouvrage et donc de couvrir les vices apparents, il devra émettre des réserves, que l’on conseille d’effectuer par écrit dans un souci de preuve.
Cependant, cette agréation ne couvre pas les vices cachés puisque, par hypothèse, le maître de l’ouvrage ne les connaît pas. L’agréation ne fait pas non plus obstacle à l’exercice de l’action en responsabilité décennale à l’égard de l’entrepreneur et/ou de l’architecte. Cette action ne peut toutefois concerner que des vices graves susceptibles de mettre en péril la solidité ou la stabilité de l’édifice.
Par son récent arrêt du 14 novembre dernier, la Cour d’appel de Liège a fait application des principes rappelés ci-dessus.
Les propriétaires d’un bâtiment avaient conclu un contrat avec un architecte et un entrepreneur pour des travaux de transformation de celui-ci, à destination de bureaux et d’appartements. En cours de travaux, les relations se sont détériorées tant avec l’architecte qu’avec l’entrepreneur, de sorte qu’ils ont tous deux, successivement, mis fin aux contrats qui les liaient aux maîtres de l’ouvrage.
Un nouvel architecte a été désigné pour poursuivre et clôturer le chantier. Il a pu constater des désordres et malfaçons affectant celui-ci, dont notamment un problème d’humidité. Ces constats ont été dénoncés à l’entrepreneur et à l’architecte originaire qui en ont contesté le bien-fondé.
Quelques mois plus tard, les maîtres de l’ouvrage ont fait établir un rapport unilatéral par un ingénieur-architecte, qui impute certaines des malfaçons à l’entrepreneur (défauts d’exécution) et d’autres à l’architecte (défauts de conception et/ou de contrôle).
Aucune solution amiable n’ayant pu être dégagée entre parties, les maîtres de l’ouvrage ont introduit la procédure devant le Tribunal de l’entreprise de Namur, qui les a déboutés de leurs demandes.
Les maîtres de l’ouvrage ont interjeté appel, ce qui a amené la Cour de Liège à prononcer l’arrêt du 14 novembre dernier.
Par cet arrêt, la Cour rappelle que la circonstance que les maîtres de l’ouvrage aient payé sans réserve les factures de l’architecte et de l’entrepreneur et aient pris possession des lieux « ne les empêchent nullement de rechercher la responsabilité de l’architecte et/ou de l’entrepreneur sur base de la responsabilité pour vice caché véniel ou sur base de la responsabilité décennale ».
En ce qui concerne l’action en responsabilité pour vices cachés véniels, la Cour rappelle qu’elle doit être introduite « en temps utile » et qu’il ne peut être considéré que ce n’était pas le cas en l’espèce puisque l’action a été introduite « moins d’un an après la rupture des relations contractuelles et quelques six mois après la mise en location des appartements » et que « certains des défauts déplorés ont une manifestation progressive, que les maîtres de l’ouvrage ont pris le soin de faire procéder à des constats unilatéraux et ont tenté de trouver un terrain d’entente avec les constructeurs ».
En conséquence, la Cour considère que l’action des maîtres de l’ouvrage est recevable et accepte de désigner un expert judiciaire, chargé d’analyser les travaux, de dire s’ils ont été réalisés conformément aux règles de l’art et, dans la négative, de décrire les manquements constatés et de donner un avis sur le caractère apparent ou caché des désordres.
On conseillera dès lors aux maîtres de l’ouvrage de dénoncer, par écrit, tous manquements aux engagements contractuels et/ou aux règles de l’art affectant les travaux lorsqu’ils reçoivent ceux-ci et, s’ils constatent des vices cachés qui apparaîtraient après la réception, de les faire constater immédiatement par un tiers indépendant, de les dénoncer aux constructeurs et, à défaut d’accord, de consulter sans tarder un avocat pour qu’il puisse, le cas échéant, introduire la procédure dans le délai utile.