Le 25 février dernier, divers parlementaires de la Région de Bruxelles-capitale déposaient une proposition d’ordonnance visant à instaurer une commission paritaire locative et à lutter contre les loyers abusifs.
Constatant tout à la fois une forte dégradation de l’accessibilité du logement à Bruxelles et l’augmentation du phénomène de loyers abusifs, ces parlementaires tentent d’y apporter une solution en suggérant de compléter et modifier le Code bruxellois du logement en y insérant un nouveau concept juridique que l’on pourrait qualifier de « loyer présumé abusif ».
Serait présumé abusif, tout loyer d’un bail d’habitation de nature privée qui, soit dépasserait de vingt pour cent le « loyer de référence », soit, tout en ne l’excédant pas à concurrence de ce pourcentage, accuserait des défauts de qualité substantiels intrinsèques au logement ou à son environnement.
La présomption d’abus pourrait être renversée lorsqu’il est établi que la différence entre le loyer pratiqué et le loyer de référence est justifiée par des éléments de confort substantiels intrinsèques au logement ou à son environnement.
De manière concrète, l’existence d’un loyer présumé abusif permettrait au preneur de solliciter une révision du loyer contractuel à la fois sans devoir faire état de circonstances nouvelles et sans devoir attendre l’expiration des délais prévus par le Code en vue d’une éventuelle révision triennale du loyer.
Dans l’état actuel des textes futurs, adaptés au cours de la procédure parlementaire, il n’y aurait ainsi plus une procédure de révision du loyer, mais bien deux, de natures fondamentalement différentes :
À la suite de quelques adaptations des textes au cours des travaux parlementaires encore inachevés , ces deux procédures distinctes seraient toutefois soumises à plusieurs dispositions identiques.
Ainsi, tant dans un cas que dans l’autre, la révision ne pourrait être sollicitée qu’en présence d’un décalage d’au moins 20 % entre le loyer contractuel et le loyer de référence, lequel se substitue, dans le cadre de la révision triennale, au concept, aujourd’hui en vigueur, de « valeur locative normale ».
Dans les deux cas, les parties ainsi que le juge pourraient s’adresser à une « commission paritaire locative », spécialement créée pour donner un avis « sur la justesse du loyer de tout bail d’habitation en Région bruxelloise » à l’exclusion de certains baux conclus par des opérateurs publics (La détermination précise du champ de compétence de cette commission paritaire semble largement diviser)
Cette commission paritaire locative aurait également un rôle de conciliation, quelle que soit l’hypothèse en laquelle elle aurait été saisie.
Voilà donc, en résumé et sur un plan que l’on qualifiera de « technique », les divers aspects de la réforme actuellement en discussion au sein du Parlement bruxellois.
Au-delà, remarquons que le mécanisme qui pourrait ainsi être mis en place s’articule autour de la recherche d’un « loyer de référence », défini dans la proposition d’ordonnance comme « le loyer médian indiqué par la grille indicative des loyers » instituée par l’article 225 du Code bruxellois du logement.
Ne nous voilons dès lors pas la face : la technicité de certains aspects de la réforme ne doit pas faire oublier qu’un nouveau pas serait ainsi franchi.
Le principe d’une grille indicative des loyers conduisait déjà à mettre le doigt, sinon plus, dans l’engrenage d’un encadrement strict des loyers des baux d’habitation.
La réforme projetée franchit un nouveau cap : celui d’une réduction de la traditionnelle liberté contractuelle dans le domaine de la fixation des loyers.
Réduction, certes, et non suppression dès lors que, si elle est adoptée, la réforme laissera aux parties une marge de discussion … une marge de 20 %.