Indépendamment de la particulièrement grave crise sanitaire déclenchée par le Covid19 ou plus communément le Coronavirus, ce dernier et les mesures prises par l’Etat pour remédier à certains de ses effets posent nombre de questions en droit et notamment dans le domaine de la copropriété et du bail.
Nous aurons l’occasion de revenir bientôt vers vous en matière de copropriété pour commenter l’arrêté de pouvoirs spéciaux qui devrait tout prochainement être publié à ce sujet.
Point d’arrêté en revanche en matière locative, pourtant largement impactée, ce qui nous conduit à ce jour à mettre en évidence quelques lignes directrices applicables à tout le moins à défaut de dispositions contractuelles contraires.
L’on sait que, pour s’en tenir à ses composantes essentielles, le bail est une convention par laquelle un bailleur accorde à un preneur ou locataire un droit de jouissance sur un bien en échange d’un prix, dénommé « loyer ».
La crise sanitaire que nous connaissons n’a dès lors, à ce stade et à défaut de mesures qui seraient spécifiquement adoptées par le Gouvernement, aucune incidence juridique sur les baux d’habitation.
Le preneur poursuit sa jouissance du bien, dans lequel il est d’ailleurs confiné. Quant au paiement du loyer, s’il est évident que, dans bien des cas, il est rendu plus difficile en raison de la crise, il n’en est pas pour autant impossible. Cette difficulté n’empêche donc pas la poursuite du contrat et l’exécution de toutes les obligations qui en découle. Le preneur risque d’accumuler des arriérés, ce qui, théoriquement, pourrait inciter le bailleur à solliciter la résolution judiciaire du contrat, mais l’on voit mal un juge la prononcer en présence d’un lien de cause à effet entre la crise que nous connaissons et le non-paiement ou l’étalement du paiement des loyers. En matière de bail et en vertu de l’article 1762bis du Code civil, le juge dispose toujours, rappelons-le, du pouvoir d’apprécier si la faute commise est suffisamment grave pour justifier qu’il soit mis fin au contrat en cours. En pratique, cité par son bailleur, le preneur obtiendra dans la plupart des cas des termes et délais lui permettant d’apurer progressivement l’arriéré qui se serait constitué.
La situation est toutefois autre en matière de bail commercial, à tout le moins s’agissant de magasins confrontés à l’obligation de fermeture découlant de l’arrêté ministériel du 23 mars 2020.
L’existence de cet arrêté entraîne en effet, pour les preneurs qui y sont soumis, une impossibilité momentanée, mais absolue, de jouir de la chose selon l’usage convenu. Ainsi Par application des principes qui régissent le droit des obligations et des contrats, en l’espèce de ce que l’on appelle la théorie des risques, le preneur privé, par une décision des pouvoirs publics (un « fait du Prince »), de la possibilité d’exploiter son magasin et, par là, de la jouissance du bien loué conformément à sa destination, laquelle lui est promise par le bailleur en vertu du contrat de bail, peut suspendre l’exécution de sa propre obligation de payer le loyer. L’exécution de la convention est ainsi paralysée et le contrat est suspendu.
Plus spécifiquement en matière de bail, l’article 1722 du Code civil prévoit que la convention est « résiliée de plein droit lorsque la chose est détruite en totalité par cas fortuit » et que, si la destruction n’est que partielle, « le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix ou la résiliation même du bail ». Ce concept, connu sous le nom de « perte de la chose », s’applique tout autant en cas de perte matérielle du bien qu’en cas de perte juridique, telle l’impossibilité juridique de jouir de la chose suivant sa destination en raison d’un cas fortuit, comme l’est un « fait du Prince ». Toutefois, il est admis que la perte juridique n’emporte la dissolution du contrat de bail pour autant qu’elle présente un caractère définitif ou dont la durée dépasse celle du bail. Lorsque la perte juridique n’est que temporaire, le bail ne disparaît pas. Les obligations des parties seront « simplement » suspendues jusqu’au jour où aura disparu l’obstacle qui empêchait l’exécution des obligations, soit, en l’espèce, au moment où aura pris fin l’interdiction d’exploitation.
Pour les baux commerciaux portant sur un bien ou une activité non soumis à cette interdiction d’exploitation, il n’y a, sauf éléments particuliers, ni impossibilité radicale de jouir du bien, ni perte de la chose, en manière telle qu’il convient de se référer, mutatis mutandis, aux règles que nous avons exposées à propos des baux d’habitation.