La possibilité offerte au locataire d’éventuellement obtenir le renouvellement de son bail est un élément essentiel de la législation relative aux baux commerciaux.Toutefois, cette législation recèle de nombreux pièges conduisant le preneur à perdre toute chance de voir son bail renouvelé, sauf à passer sous les fourches caudines d’une délicate négociation avec son bailleur ou à espérer un certain désintérêt de sa part.
S’agissant d’une législation bientôt septuagénaire, l’on pourrait croire que fort rares sont ceux qui y sautent encore à pieds joints. Erreur … la pratique et la lecture régulière de la jurisprudence de nos Cours et Tribunaux nous conduisent à constater qu’il n’en est rien.
En cette période qui ne peut guère être qualifiée de moment de frénésie législative, il nous a donc paru qu’il était loin d’être inutile d’attirer l’attention des intéressés sur les risques les plus courants auxquels ils sont confrontés.
Rappelons tout d’abord que le bénéfice d’un éventuel renouvellement du bail n’est accordé qu’au preneur qui le sollicite. Quand bien même le bail qu’il a conclu prévoirait une clause de renouvellement automatique du contrat, la notification d’une demande expresse de renouvellement s’impose en toutes hypothèses (Cass., 21 mars 2003)
S’il y a plusieurs preneurs, la demande doit émaner de chacun d’eux. Lorsque le bail originaire est conclu par une personne morale, il n’est pas rare que le bailleur exige qu’il soit également souscrit à titre de locataire par le ou les gérant(s) ou administrateur(s) de celle-ci. Ce ou ces dernier(s) doivent dès lors solliciter le renouvellement du bail aux côtés de la personne morale quand bien même il(s) aurai(en)t quitté la société dans l’intervalle (Cass., 11 avril 2003).
Tout le monde connaît peu ou prou les quelques conditions formelles auxquelles le texte d’une demande de renouvellement est assujetti. Il suffit à cet égard de lire le texte de l’article 14, alinéa 1er des dispositions du Code civil relatives aux baux commerciaux. Parmi les conditions imposées par ce texte figure celle d’indiquer au bailleur qu’il sera présumé consentir au renouvellement du bail aux conditions proposées à défaut de notification « suivant les mêmes voies » et dans un délai de trois mois, de son refus motivé, de la stipulation de conditions différentes ou d’offres d’un tiers. Il doit toutefois résulter expressément du texte de la demande que ces « mêmes voies » consistent en une notification par exploit d’huissier ou par lettre recommandée (Cass., 2 mars 2006) et sans occulter l’une ou l’autre de ces voies (Cass., 16 février 2018).
L’article 14 alinéa 1er impose également au preneur de notifier sa demande « 18 mois au plus, 15 mois au moins » avant l’expiration du bail en cours. S’il choisit de recourir à l’envoi d’un courrier recommandé, le locataire désireux d’éviter toute difficulté sera bien avisé de songer qu’a priori, la notification est censée réalisée non pas à la date du dépôt par ses soins du courrier à la Poste, mais bien à celle de la première présentation du courrier, par les services de la Poste, à l’adresse du bailleur (Cass., 23 juin 2000, arrêt rendu en matière d’application de l’article 18 de la loi sur les baux commerciaux), peu important d’ailleurs la date de la prise effective de connaissance de la lettre par le bailleur (Cass. 8 mars 2018, arrêt rendu en matière de congé).
Enfin, bien entendu serait-on tenté de dire encore que le texte de l’article 14, alinéa 1er ne le pévoit pas, la lettre, si le preneur recourt à cette formule, doit être signée (Cass., 25 mars 1993). Serait-ce parce qu’à l’ère électronique nous ne signons pas (ou rarement) nos courriels que cette évidence doit encore être rappelée ?
Ces quelques conseils mis en évidence, nous n’en sommes encore qu’à la première phase d’un éventuel renouvellement du bail, en l’occurrence à la demande de renouvellement à formuler par le preneur.
D’autres pièges se présenteront encore à lui lorsqu’il recevra la réponse de son bailleur si celui-ci fait choix d’exciper d’un refus motivé de renouvellement, de conditions différentes ou d’offres d’un tiers.
Nous ne manquerons pas d’y revenir prochainement ….