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Les administrateurs de personnes morales sont-ils des entreprises ?

L’article I.1, 1° du Code de droit économique définit, en son alinéa 1er, l’entreprise comme « chacune des organisations suivantes : (a) toute personne physique qui exerce une activité professionnelle à titre indépendant ; (b) toute personne morale ; (c) toute organisation sans personnalité juridique ». Des exceptions sont prévues à l’alinéa 2 de cette disposition.

Cette notion d’entreprise a pour vocation, selon le législateur, « d’être une pierre angulaire unique pour le champ d’application des dispositions particulières relatives aux entreprises dans le Code de droit économique, le Code judiciaire et le Code civil ». Elle a une incidence tout à fait particulière sur le droit de l’insolvabilité puisque les procédures de réorganisation judiciaire et de faillite organisées par le livre XX du Code de droit économique ne s’appliquent qu’aux entreprises telles que définies ci-dessus.

S’il est incontestable que les sociétés ou associations bénéficiant de la personnalité juridique et les travailleurs indépendants (entrepreneurs, commerçants, professions libérales, agriculteurs, …) sont des entreprises, la jurisprudence ne paraît pas s’accorder sur l’application ou non de cette notion aux dirigeants de personnes morales (administrateurs de société ou d’association).

Une partie de la jurisprudence considère que, dès lors que de tels dirigeants agissent à des fins professionnelles et sont indépendants, ils sont nécessairement des entreprises. C’est notamment le cas du Tribunal de l’entreprise de Liège, de la Cour d’appel de Bruxelles et de la Cour d’appel de Liège.

D’autres juridictions considèrent que de tels dirigeants de personnes morales ne peuvent être considérés comme des entreprises dès lors qu’ils n’exercent pas une activité économique propre. C’est notamment le cas du Tribunal de l’entreprise d’Anvers, division Turnhout et du Tribunal de l’entreprise du Brabant wallon. Selon ces juridictions, une personne physique ne devrait être considérée comme une entreprise que si elle offre des biens ou des prestations de services sur un marché, ce qui n’est généralement pas le cas du dirigeant d’une personne morale qui n’est actif qu’auprès de celle-ci.

Une troisième tendance considère, pour sa part, en se référant au préambule de la définition, qu’un gérant ou un administrateur d’une personne morale ne peut être considérée comme une entreprise que s’il est une « organisation ». Il en serait notamment ainsi du mandataire qui gérerait plusieurs personnes morales et qui se doterait, pour ce faire, d’une organisation distincte, incluant une comptabilité propre. Le Tribunal de l’entreprise du Hainaut, division Tournai et la Cour d’appel de Mons se rallient à cette tendance.

L’absence d’uniformité au sein de la jurisprudence est générateur d’insécurité juridique et donc d’incertitude pour les acteurs économiques. En particulier, les dirigeants de personnes morales peuvent, selon la juridiction dont ils dépendent, bénéficier ou non de la procédure de faillite (qui aboutit, pour les personnes physiques à un effacement de leurs dettes) ou de réorganisation judiciaire (qui leur permettrait d’assurer la continuité de tout ou partie de leur activité).

Cette insécurité juridique est d’autant plus regrettable que le législateur, lorsqu’il a adopté la nouvelle notion d’entreprise par la loi du 15 avril 2018, s’était précisément fixé pour objectif d’éviter les difficultés d’interprétation qu’il croyait pouvoir pointer dans l’ancienne définition de cette notion…